Tout savoir sur la réforme de la formation professionnelle



Spécialiste en droit de la formation, Anne Grillot est chargée d’études juridiques à Centre Inffo, et a apporté une grande contribution à la rédaction des contenus du site http://www.moncompteformation.gouv.fr/.

Elle nous livre les grandes lignes de la nouvelle réforme de la formation professionnelle, votée en mars 2014, et entrée en vigueur le 1er janvier 2015.


Pouvez-vous nous expliquer les grandes lignes de la réforme de la formation professionnelle ?

Un financement de la formation remanié

Anne Grillot - La réforme de la formation professionnelle, votée le 5 mars 2014 dont la plupart des dispositions sont applicables depuis le 1er janvier 2015, propose une économie de la formation professionnelle complètement différente de ce qu’on a connu jusqu’à présent. Tout d’abord, l’instauration d’une contribution unique : 1%* de la masse salariale pour toutes les entreprises de 10 salariés et plus. Pour les entreprises de moins de 10 salariés, un taux moindre a été maintenu à 0,55 % de la masse salariale.

Le grand bouleversement, l’absence de financement du plan de formation dans les entreprises de 300 salariés et plus par l’obligation fiscale – le fameux 0,9 %. Les entreprises sont alors amenées, en responsabilité, à effectuer un financement direct sur leurs frais généraux des dépenses du plan de formation.

Parallèlement à cela, les partenaires sociaux et le législateur ont maintenu l’obligation de former des employeurs : adapter les salariés au poste de travail, assurer le maintien dans l’emploi et veiller au développement de leurs compétences.

Une responsabilisation de l’individu

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A.G. - Pour décloisonner la formation professionnelle, qui restait selon plusieurs rapports difficile d’accès notamment pour les demandeurs d’emploi, les partenaires sociaux ont proposé un nouveau dispositif : le compte personnel de formation (CPF).

Le CPF est un compte d’heures, par une capitalisation d’heures dans le cadre d’une activité salariée, chaque année, jusqu’à un plafond de 150 heures. Chaque année, le salarié engrange 24 heures pendant jusqu’à un seuil de 120 heures, puis 12 heures par an jusqu’au plafond de 150 heures.

Pour le salarié, l’entrée en formation se fait à son initiative et même hors temps de travail, sans l’accord de l’employeur. Si la formation a lieu pendant le temps de travail, il doit, en revanche, obtenir l’accord de son employeur.
L’originalité du compte personnel de formation réside dans la possibilité alors que la personne se trouve en recherche d’emploi. Son crédit d’heures, obtenu du temps de son activité salariée, lui permet de solliciter son conseiller Pôle emploi pour obtenir une formation grâce à son compte personnel de formation.

La nouveauté : « l’abondement »

A.G. - Si un salarié ou un demandeur d’emploi souhaite faire une formation, mais qu’il détient un crédit d’heures insuffisant par rapport à la durée de la formation, la loi instaure toute une mécanique « d’abondement » par plusieurs organismes et institutions – tels que l’employeur, l’Opca, le Fongecif/Opacif, Pôle emploi, l’Agefiph… Tous ou certains, contribuent au financement de la formation souhaitée. La condition est que ce soit une formation qualifiante ou certifiante, appartenant à une « liste de formations éligibles ». Les listes de formations éligibles sont élaborées par : les partenaires sociaux, les branches professionnelles, Pôle emploi et les Régions.

Après avoir activé son compte personnel de formation sur www.moncompteformation.gouv.fr et défini son projet de formation, l’individu a accès aux listes de formations et peut vérifier si son projet est envisageable dans le cadre du compte personnel de formation.

Que deviennent les heures cumulées au titre du droit individuel à la formation (DIF) ?

A.G. - Toutes les heures du DIF acquises et non consommées au 31 décembre 2014 doivent faire l’objet d’une communication au salarié par les employeurs avant le 31 janvier 2015 – sur le bulletin de salaire du 31.12.2014 ou sur une attestation remise.

Les demandeur d’emploi détiennent leurs heures de DIF figurant sur le certificat de travail remis lors de la rupture du contrat de travail jusqu’au 31 décembre 2014.

Les heures de DIF peuvent être transférées sur le compte personnel de formation. La marche à suivre est indiquée sur le site http://www.moncompteformation.gouv.fr/.
De cette façon, les heures de DIF ne sont pas perdues et pourront être utilisées jusqu’au 31 décembre 2020.

Un accompagnement renforcé

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A.G. - Cette nouvelle mécanique demande beaucoup d’initiatives pour le salarié et pour le demandeur d’emploi. Pour ne pas les laisser seuls, un nouveau dispositif a été créé : le conseil en évolution professionnelle (CEP).

Le CEP résulte de la volonté des partenaires sociaux de donner un conseil gratuit et confidentiel à l’extérieur de l’entreprise. Le salarié ou le demandeur d’emploi sera libre de choisir l’organisme. Le CEP a pour objectif d’orienter les personnes afin qu’elles puissent définir un projet professionnel avec la possibilité éventuelle d’actionner leur compte personnel de formation pour un retour le plus rapide à l’emploi ou une reconversion.
Le conseiller en évolution professionnelle est susceptible d’actionner le compte personnel de formation. C’est le conseiller en évolution professionnelle qui pilotera le projet de formation pour aller chercher les financeurs.

Les organismes proposant cette prestation :

  • Pôle emploi, pour les demandeurs d’emploi ;
  • Cap emploi, pour les personnes en situation de handicap ;
  • Missions locales, pour les jeunes ;
  • Fongecif/Opacif, pour les salariés ;
  • Apec, pour les cadres.

Une responsabilisation accrue de l’entreprise

A.G. - Parallèlement au conseil en évolution professionnelle (CEP), confidentiel et extérieur à l’entreprise, les partenaires sociaux ont créé l’entretien professionnel en entreprise.
Obligatoire dans toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, il est réalisé tous les deux ans par un hiérarchique. Les premiers vont avoir lieu en mars 2016.

Au bout de six ans, l’employeur est obligé de faire le bilan de ce qui a été fait durant les six dernières années en matière de perspectives d’évolution professionnelle. En effet, le salarié doit avoir au moins suivi deux des trois mesures suivantes : une action de formation (mesure 1), acquis des éléments de certification (mesure 2), ou bénéficié d’une progression salariale ou professionnelle (mesure 3).

S’il n’a pas suivi deux des trois mesures principales, l’employeur doit « abonder » de 100 heures le compte personnel de formation (130 heures pour un temps partiel) et se trouve redevable auprès de son Opca d’une somme relativement conséquente.

La formation initiale différée

A.G. - Pour les jeunes demandeurs d’emploi, il y a une procédure spéciale qui s’appelle la formation initiale différée et s’insère dans le cadre du compte personnel de formation, notamment. Ce dispositif s’adresse aux jeunes sortis sans qualification du système scolaire.

Ce dispositif leur permet, soit de retourner à l’école jusqu’à 18 ans en tant que stagiaire de la formation initiale, soit de faire une formation professionnelle qui leur permettra d’accéder à un niveau V en dehors de l’école par un nombre d’heures de formation versé sur son compte personnel de formation.

Une grande campagne de communication

A.G. - Le gouvernement a mis en place une grande campagne de communication qui informera en premier lieu les employeurs et ensuite les salariés et les demandeurs d’emploi. Le ministère du Travail a mis à disposition des guides pratiques, et de multiples outils de communication sur leur site. http://www.emploi.gouv.fr


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(*) 0,8 % pour les entreprises ayant choisi de gérer en interne le compte personnel de formation.


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