Depuis trois semaines, Denis Chimello, formateur technique en usinage, embarque en minibus quinze demandeurs et demandeuses d’emploi de Montauban, en direction du Pôle formation de l’UIMM Occitanie, près de Toulouse, où ils suivent une formation préqualifiante de 330 heures. « L’entreprise Farella, en forte croissance, n’arrivait pas à embaucher des usineurs-opérateurs sur machines à commande numérique par les canaux habituels et voulait recruter des gens localement, partant de zéro sur le métier pour avoir un groupe homogène en formation, explique-t-il. Nous leur enseignons la théorie (maths, dessin industriel…) à Montauban et les travaux pratiques ici, au Pôle formation. » Ce jour-là, ce formateur expérimenté avait fixé comme objectif aux six hommes de son demi-groupe de réaliser une pièce avec une fraiseuse et un tour parallèle. « C’est dangereux. L’apprentissage est long », signale-t-il en surveillant du coin de l’œil ses stagiaires.
Envie de reconversion
Parmi eux, un ex-patron de bar, un plaquiste, un vendeur, un jeune bachelier professionnel en mécanique… et Julien Setier, ancien technicien en maintenance d’ascenseur de 38 ans. « Mon métier ne me plaisait plus, raconte-t-il, je faisais plus de déplacements et de devis que de maintenance. J’ai eu envie de me reconvertir et je me suis intéressé à l’usinage car j’ai un ami qui travaille là-dedans. » L’information collective proposée par Pôle emploi en janvier lui a permis de confirmer son projet. « Nous avons visité l’entreprise Farella, passé des épreuves techniques qualificatives et un entretien avec le DRH du groupe, avant de commencer la formation le 12 février, à raison de trois jours en salle et deux jours en travaux pratiques. Fin mars, nous faisons un stage de quinze jours dans l’entreprise. »
Habilletés
Julien Setier, comme ses quatorze collègues, ont été testés sur leurs habiletés par la méthode de recrutement par simulation (MRS) de Pôle emploi, notamment sur la géométrie dans l’espace et la lecture de plan. « Sur les 70 personnes volontaires après les informations collectives, une trentaine avaient les habilités pour aller vers ce métier et l’entreprise les a toutes reçues en janvier, précise Christophe Abella, responsable emploi UIMM Occitanie. Malgré des profils différents, les gens sont motivés. Aller chercher les gens sur leurs habilités est une technique qui fonctionne très bien. »
Benoît Rensonnet, 36 ans, a été pâtissier pendant vingt ans avant d’arrêter par ennui. « J’ai demandé cette formation parce que j’avais envie d’apprendre de nouvelles choses dans un domaine qui exige de la minutie et qui est prospère pour l’avenir, dit-il. J’accroche bien sur le métier, qui a des qualités communes avec celui de pâtissier : la rigueur et le point d’honneur mis à avoir un beau résultat. On reprend tout à zéro, mais pour de bonnes raisons. »
On demande des femmes
Sur les quinze stagiaires retenus, quatre sont de sexe féminin. C’était une demande de l’entreprise. « Les femmes ont leur place. Elles ont des bons profils et sont dans la partie haute du groupe, estime Denis Chimello. L’une d’elles est même la meilleure ! » Ce jour-là, elles étaient toutes dans le demi-groupe en atelier s’exerçant à l’ajustage manuel avec Frédéric Moisson, formateur technique, pour la réalisation d’une pièce en utilisant limes, scies, pieds à coulisse ou perceuses à colonne. « J’ai découvert le métier en voyant travailler des tourneurs-fraiseurs à la centrale et cela me plaisait », témoigne Aurore de Conti, 35 ans, donc dix passés comme magasinière dans l’industrie nucléaire. Elle a démissionné en août car son emploi l’éloignait trop souvent de chez elle, parfois pendant deux mois consécutifs. « Je pensais que les femmes seraient exclues, mais ce n’est pas le cas. C’est même le contraire. Apparemment, nous sommes plus précises et minutieuses ! »
Sa collègue Béatrice Dolzan, 50 ans, est tout aussi à l’aise qu’elle dans un atelier et semble beaucoup apprécier cette nouvelle activité. La reconversion de cette mécanicienne monteuse dans la maintenance aéronautique est liée à des problèmes de santé, des troubles musculo-squelettiques aux cervicales. « Faute de poste adapté, sans port de charge, j’ai dû demander une rupture conventionnelle et chercher une solution de reconversion », relate-t-elle.
Un CDI à la clé
À l’issue de la période de préqualification, les quinze stagiaires pourront enchaîner sur un an de professionnalisation (six mois de contrat en entreprise et 800 heures de formation) leur permettant d’obtenir un certificat de qualification paritaire de la métallurgie (CQPM) et d’être embauchés en CDI chez Farella. « C’est inespéré d’avoir une formation dans laquelle l’entreprise s’investit !, se réjouit Charlotte Delchidre, 32 ans, titulaire d’un CAP menuiserie d’agencement, qui a fait de nombreux jobs avant d’arriver là. Farella a une bonne réputation et c’est à côté de chez moi, ce qui est assez rare. Et avec le CQPM, on aura aussi la possibilité de changer d’entreprise après. »
Catherine Stern, Centre Inffo